Tim Dup : l'interview bilan d'un début de carrière prometteur.
- Pauline Guilcher
- 27 oct. 2018
- 11 min de lecture
Après l'accueil très chaleureux de sa "Mélancolie Heureuse" par le public, Tim Dup revient sur la belle aventure de son premier album.
En effet, ce jeune artiste de 23 ans a réussi à se faire une place dans le paysage en perpétuelle évolution de l'univers musical français accompagné de ses titres envoûtants mêlant chanson française, rap, Hip Hop et électro.
Ce Joyau de la chanson française connaît un engouement certain auprès des médias et aime partager le bonheur que son public lui offre.
En voiture sur la route des concerts, il nous a accordé une interview fleuve afin de parler de la réédition de son album qui sortira le 2 novembre prochain, de ses projets et de sa tournée.
Voir aussi - Tim Dup : Le diamant de la chanson française
"Mourir vieux (avec toi)" - extrait de la réédition de son album "Mélancolie heureuse" dans les bacs le 2 novembre prochain.
Après avoir débuté tes études, comment as-tu eu ce déclic de te dire : " finalement c'est la chanson" ?
TIM DUP - J'étais au CELSA, il y a une partie journalisme et moi j'étais dans la partie communication. Du coup, si j'avais continué vers ça j'aurais plus eu tendance à être communicant, bosser dans des médias ce genre de trucs. Après, moi ces études là m'ont aussi beaucoup appris parce que ça a été une façon de savoir comment gérer ma musique, comment en parler, comment la mettre en avant.
Ce qui était assez intéressant pour ça, et en même temps c'est ce qui m'a déplu au bout d'un moment c'est justement d'être dans quelque chose d'assez artificiel et de façade mais pas d'être dans le plus concret de ce que j'avais envie de faire avec ma musique à savoir des concerts, aller jouer devant des gens, faire un album, l'enregistrer, jouer.
C'est à la fois le paradoxe du truc c'est qu'aujourd'hui finalement je pense que je suis plus communicant que quand j'étais en étude de communication et c'est le fait d'accumuler les deux qui était lourd puis notamment en terme de temps. Il faut faire des choix.
On voit un certain engouement dans les médias et la presse à propos de toi, comme par exemple le site Konbini qui t'a déjà qualifié de "sensation française". De quelle manière tu utilises ces critiques quelles soient positives ou négatives ?
Je les utilise bien. Elles te font clairement avancer, je pense qu'il faut aussi avoir du recul dessus. J'ai eu de la chance quand j'ai sorti mon EP et mon album de pouvoir en parler dans les journaux, dans la presse, dans des médias web, à la télé, à la radio un peu moins même si j'ai beaucoup été suivi par France Inter.
Tout ce qui est positif forcément c'est important parce que c'est une reconnaissance où tu te dis que peut-être il y a quelque chose à faire, que t'es pas là par hasard, que c'est ton endroit et qu'il ne faut pas t'en excuser. Ce que l'on fait un peu tous au début s'est s'excuser d'être là, alors qu'en fait on n'a pas trop à le faire, Moi je suis artiste c'est quelque chose que je défends.
Après, j'ai eu peu de critiques négatives pour être honnête, il y en a toujours et ça fait parti du lot et de toute façon je pense que quand on fait de l'art, de la musique c'est par essence très subjectif donc on va toucher les gens.
Le truc dont je suis le plus heureux c'est aux concerts il y a de tout : des parents, des enfants il y a vraiment toutes les générations. C'est vraiment un grand bonheur, il y a un panel assez large de gens qui sont touchés par ma musique mais il y a des gens qui le sont moins aussi et je le conçois, il n'y a aucun problème avec ça ! Tu peux pas faire ce genre de métier et t'attendre à avoir une espèce de vague à 100% qui soit derrière toi. Il faut aussi avoir du recul sur ce qu'on en dit parce qu'on est dans un monde qui va vite.
Quand j'ai sorti mon EP, il y a eu un vrai engouement parce que je pense que j'étais un peu un petit ovni dans le paysage musical car peu de mecs rechantaient en français, si bien sûr, il y avait Stromae mais dans un truc plus chanson, plus classique avec en même temps des sonorités modernes, il y avait peu ça,
On est plein d'artistes aussi à mélanger des styles, il y a eu depuis Eddy De Pretto ou encore Lomepal qui vient du Hip Hop mais qui a fait un album quand même proche de la chanson comme Orelsan et du coup on est un tous catalogués dans le même truc et j'ai l'impression que il y a un peu justement une nouvelle sensation française comme Konbini l'avait dit. Faut le prendre aussi avec beaucoup de plaisir et se dire que rien n'est fait et que l'engouement des médias va parfois un peu vite il faut garder du recul pour avancer après à la cool.

Dans tes interviews, tu fais souvent référence au terme de "brassage musical", c'est ce qui t'as permis de déterminer ton propre style musical ?
Ouais ! J'ai écouté plein de truc, j'ai vraiment eu une éducation musicale fournie et très hybride, très brassée par plein de genres musicaux différents : de la musique classique au jazz en passant par la chanson, le Hip Hop, l'électro. Je pense que ce premier album justement il transpire un peu ça, ce qui est peut-être un peu son petit bémol c'est que ça part un peu dans tous les sens et dans un premier album peut-être qu'on se cherche, qu'on a envie de monter qu'on est, qu'on peut et qu'on sait faire plein de choses.
Ce que je suis en train d'écrire en ce moment est peut-être plus lisible dans le sens où j'ai l'impression que c'est encore plus moi, même si dans ce premier album il y a aucune concession, c'est vraiment très sincère et j'ai fais ce que j'avais envie de faire, de montrer que j'avais des inspirations Hip Hop... Mais peut-être que par la suite j'arriverais à trouver un truc plus uniforme. Je pense que les inspirations dans le brassage musical ça vient aussi par phase. Là c'est le premier donc on a envie d'y mettre un peu tout et après en fonction des projets on est plus concentré sur un concept en particulier.
Tim Dup après son concert à Lamballe en Février dernier
Justement, que nous réserve la réédition de ton album ?
Ça reste quand même dans cette idée de mélancolie heureuse tout en étant un peu différent, il y a trois inédits, deux qui ont été un peu dévoilés, je trouve qu'ils montrent autre chose de moi, à la fois quelque chose de plus chanté et aussi de différent.
Il y a un morceau "Nous Sommes" qui est exclusivement fabriqué avec du vocoder donc c'est que des textures de voix et d'ambiance, j'ai poussé un peu ce que j'avais esquissé dans le premier album à ce niveau là.
Il y "Mourir vieux" qui est un morceau plus dansant, plus ensoleillé, qui reste dans l'idée des morceaux les plus pêchus de l'album mais quand même avec une patte plus chanson un peu différente, plus exotique.
Il y a un autre morceau qui s'appelle "Demain peut-être" qui est dans le propos un peu plus engagé, qui parle du décentrement, de la guerre, de l'inconnu et de l'incapacité qu'on a je crois beaucoup au quotidien vis-à-vis de ça tu vois, moi je me sens un peu nul vis-à-vis de plein de choses dans le monde et je me dis «putain comment faire en sorte de changer les choses» donc voilà c'est une chanson qui parle un peu de ça et en même temps dans le son elle est aussi différente parce que je suis allé chercher des sonorités un peu du monde comme sur "mourir vieux".
Il y aura deux remix aussi. J'espère que ça donne des petites clés pour la suite et que les gens se disent ça peut aller vers là où vers là, brouiller les pistes ahah.
On a remarqué que tu t’étais un peu ouvert à des collaborations assez inédites avec Synapson ou encore avec des jeunes élèves, dans ces cas là t’essayes de garder ton identité musicale ou t’aimes bien aller vers quelque chose de complètement différent ?
L’enjeu est vraiment sur cet équilibre là, de garder ton identité artistique mais en faisant quelque chose de très nouveau. C’est pour cela que je suis hyper content de ce morceau avec Synapson car on a vraiment réussi à mêler nos deux univers. On pourrait se dire « tiens c’est un morceau de Tim Dup » et « ah tiens c’est aussi un morceau de Synapson », donc ça j'en suis content on a réussi à le faire je crois. Je me suis concentré juste sur le texte, et même dans ma manière d’écrire, il y a cette idée de texte fleuve aussi mais un peu différente.
J’ai fais une vidéo avec des élèves, ça c’était une action culturelle avec une école du Val d’Oise, c’était hyper cool et l’idée c’était de les amener dans un univers dans lequel ils se sentent à l’aise. Aujourd’hui les enfants ce qu'ils écoutent, eux par exemple leur référence c’était Niska tu vois, donc faut aussi les amener à écrire des chansons qui eux leurs parlent, les touchent quelque chose d’un peu mélancolique, poétique... C’est marrant parce qu’on a fait justement une espèce de mise en abyme vu qu’on a crée une chanson qui parle des sentiments. Donc j’ai fais une prod un peu plus à la Drake tu vois un truc comme ça pour que ça les amuse aussi, l’idée à la base de la musique c’est quand même de prendre du kiff [rire].
T’as vraiment cette façon d’accorder le fond musical avec ce qu’il y a de plus beau dans les mots d’une manière hyper fluide. Comment tu t’organises en général pendant la création de tes chansons, tu commences par la musique, par les textes ?
Il y a pas du tout de variable ou de variantes, l’avantage des textes c’est que j’en écris tout le temps sur mes notes de téléphone et puis j’ai beaucoup de carnets d’écriture, je ne suis pas un fétichiste des souvenirs de voyage, des objets qui s’entassent, mais j’aime bien ramener des carnets d’écriture de mes voyages ce qui permet de m’en rappeler un peu.
Après musicalement je pense qu’il y a deux choses qui permettent de faire des chansons, c’est à la fois d’écouter énormément de musiques, je passe mon temps à essayer d’en écouter, de découvrir des trucs. Et vraiment d’aller chiner sur YouTube, dans des vinyles, dans des CD d’aller trouver plein d’inspirations et de se mettre au piano ; Le fait de me mettre au piano, sur mon instrument dès que j’ai une pause j’ai envie de faire des trucs avec. Ça c’est assez rassurant j’ai une relation avec l’instrument qui est cool où je me dis que potentiellement j’aurais toujours des trucs à lui faire dire ou à ce que lui me dise.
Et après, il y a pas de règle pour l’inspiration je pense que la clé c’est justement de ne pas travailler le truc, de laisser aller et puis de vivre des trucs en essayant de sortir de sa zone de confort, de voyager c’est sans doute la chose que je préfère au monde avec la musique.
Essayer de remettre en cause tes perspectives, ta vision du monde et puis c’est agréable de douter !
Tu racontais pendant ton concert à Lamballe que l’idée du terme « Mélancolie Heureuse » était venue suite à la réflexion d’un de tes amis. Comment tu pourrais la définir ?

Pour moi la mélancolie heureuse c’est vraiment lié à la conscience du bonheur, quand on a conscience qu’on est heureux, qu’on vit un moment heureux j’ai l’impression qu’il y a toujours cette chape de plomb plus ombragée qui nous fait prendre aussi conscience que possiblement c’est toujours éphémère. Tu peux être heureux tout au long d’une vie mais tu auras des moments de désespoir dans tous les cas. Le bonheur c’est une espèce de quête je pense où l'on cherche à l’être le plus possible tout le temps. Et dans cette quête là, il y a des moments de bonheur, des joies, des peines et quand on a conscience à un moment qu’on est heureux c’est peut-être les meilleurs moments quand on se dit « putain c’est vraiment bien, mais ça va finir » tout finit un jour. Donc, quand tu prends conscience de ça tu le saisis peut-être plus, t’as plus envie encore de le croquer, de jouir de ça, d’en profiter parce que visiblement ça finit. C’est juste prendre conscience qu’on a de la chance dans les moments de chance et qu’on est heureux dans les moments de bonheur.
Si t’avais justement un moment de bonheur pendant ce gros parcours ton premier album et les concerts ce serait lequel qui t’as rendu le plus heureux ?
Je pense que c’est mon concert à la Cigale à Paris en mai dernier, il y avait beaucoup beaucoup de monde, ma famille, mes amis, tous les gens qui ont travaillé avec moi pendant ce projet et tout le public donc il y avait toutes les personnes essentielles à ce début de carrière en tout cas ce début d’aventure. J’ai vraiment senti, humblement, que les gens prenaient autant de plaisir que moi, depuis je le ressens à plein de concerts c’est ce qui permet de continuer, moi j’adore c’est le meilleur truc !
Ce soir là il y avait un truc spécial, il y a des moments spéciaux aussi parfois !
C’était une histoire un peu particulière aussi avec ce concert, c’est là où je suis aller voir mes premiers artistes, toute une histoire qui était assez émouvante où on se dit « putain, maintenant c’est moi »
C’est assez étonnant parce qu’on voit quand même une grosse production, il y a beaucoup de travail et après on te voit tout seul sur scène, il y a une raison particulière à cela ?
Ouais, notamment parce qu’en terme de production justement c’est un album qui est très soliste. Il est arrangé autour du piano voix qui est le seul truc organique, vraiment acoustique dans le sens où tout autour ce ne sont que des sonorités fabriquées par un ordi, des boîtes à rythmes ou des samples donc c’est pas comme si il y avait l’armada de sons derrière moi sur scène avec des violons, des trucs, des machins… Je trouve ça assez cohérent déjà en terme de coût de production et en plus parce que je voulais me présenter tout seul sur scène pour un premier album de dire « voilà je suis auteur-compo et je viens défendre mes chansons seul ». Peut-être que pour la suite ça changera mais c’est un rapport que j’aime beaucoup avec le public, cet espèce de bienveillance peut-être qui s’installe aussi.
En lien avec ta première orientation professionnelle, ça te tenterait de mixer musique et journalisme comme critique musical par exemple ?
Critique musical non, je n’en sentirais pas la capacité. Par définition, c’est un peu le problème de la critique dans l’art mais je trouve ça bien qu’il y ait des gens qui chroniquent les bons albums et qui ne parlent pas de ceux qu’ils n’aiment pas. Ce truc de critique, de défoncer des artistes que tu n'aimes pas c’est un truc que je ne pourrais pas assumer et puis en tant qu’artiste ce serait quand même hyper schizophrène et prétentieux.
Après ça me plairait un jour même si je le fais déjà, j’ai ma boîte, peut-être aussi producteur, d’écrire et de composer pour les autres ou de monter des projets pas forcément liés à la musique. J’ai envie de créer, peut-être que je le ferais par d’autres moyens, en vrai je ne m’interdis rien ça me plairait bien un jour de faire un film ou d’écrire un bouquin, de faire des photos, de monter des projets genre de monter un resto il y a plein de trucs dont j’ai envie !
Ça fait maintenant trois ans que tu te produits en concerts, dans ton EP et dans ton premier album, tu la vois comment la suite de l’histoire ?
Pour l’instant j’ai assez peu réfléchi à long terme mais je sais en tout cas que je vais sortir ce deuxième album, je sais à quoi il va ressembler. C’est le premier point sur lequel je vais me concentrer.
Je vais aussi partir voyager, me reposer. J'en ai besoin, ça fait trois ans que je chante ces chansons, j’ai besoin d’aller voir ailleurs, de me mettre en difficulté.
En vrai je sais pas trop comment je vois mon avenir si ce n’est que plus à long terme j’ai envie d’avoir une famille, c’est pas forcément simple avec ce métier donc je sais que ce sera une priorité pour le coup et de voyager, de faire des trucs qui ont du sens aussi. En tout cas je me dis que j’ai quand même trouvé un métier qui a du sens déjà pour moi égoïstement mais j’ai l’impression que ça peut avoir du sens de donner un tout petit peu de bonheur après chacun son niveau mais il y a des gens qui sont peut-être aussi heureux d’écouter, d’aller en concert c’est ça qui est cool dans la musique ce truc de partage intense de réciprocité. Des projets qui ont encore plus de sens au quotidien. J’ai envie d’être une personne heureuse et un peu utile c’est peut-être les deux trucs qui me feront grandir.
Dates importantes : - 2 Novembre 2018: Sortie de la réédition de son premier album"Mélancolie Heureuse"
- 5 Décembre 2018 : Concert à la salle Pleyel à Paris
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